Le récit d’Emile Sasco :
Un meurtre à l’île-aux-Chiens.
Saint-Pierre, le 19 février 1938.
Affaire Néel Auguste & Ollivier Louis.
Un meurtre à l’île-aux-Chiens.
L’instruction de cette affaire menée rapidement permettait au Tribunal criminel de se réunir en session la mardi 6 février 1889. Les débats durèrent deux jours. Voici quelle était la composition de ce tribunal:
MM Venot, Président du Conseil d’appel Président Aphale, sous-commissaire de la Marine et Lallier du Coudray aide-commissaire de la Marine, membres du conseil d’Appel et quatre assesseurs, habitants notables:
MM. Léoni Coste, Grezet Auguste, Hacala Charles et Humbert Léon, Mr Caperon, Procureur de la République, Chef du service judiciaire, occupant le siège du Ministère public.
La salle d’audience était comble. L’acte d’accusation lu par le greffier Siegfriedt, il est procédé à l’interrogatoire des accusés qui ont déclaré se nommer, Néel Joseph Auguste, né à Saint-Pierre, le 29 mai 1860, marin-pêcheur, Ollivier Louis, né à Coatraven (Côtes du Nord) le 31 octobre 1863, également marin-pêcheur.
Néel et Ollivier maintiennent les aveux faits au cours de l’instruction à savoir que le dimanche 30 décembre, vers 10 heures, ils avaient projeté de souper chez Coupard. Rendus furieux de voir la porte du tambour barrée, ils avaient démoli cette enceinte et brisé l’unique croisée de la cabane, et, pénétrant dans celle-ci, se trouvèrent en face du patron d’Ollivier qui, un couteau à la main, prétendait défendre l’entrée de son domicile. Il y avait eu lutte entre Coupard et son avant. Pendant qu’Ollivier maintenait Coupard, Néel s’écria « mieux vaut tuer le diable que le diable vous tue », avait frappé sur l’avant-bras de Coupard et fait tomber l’arme, l’avait ramassée et l’avait plongée jusqu’à la garde dans la poitrine de la victime. Le temps d’allumer une chandelle et les deux hommes penchés sur le corps de Coupard s’assuraient que le malheureux respirait encore. C’est alors que Néel dit à son camarade: « Tiens v’là le couteau, tape à ton tour. » et Ollivier prenant l’arme l’enfonça dans le ventre de Coupard.
Après ce meurtre, les accusés s’acharnèrent sur le cadavre. Pendant qu’Ollivier éclairait, son acolyte ouvrait le thorax avec le même couteau et attirait le coeur à lui, s’écriant: « Quel gros coeur! » et faisait les mutilations ci-dessus décrites. Enfin les deux misérables, à tour de rôle, avaient taillé dans les aines pour détacher les jambes du tronc. Les meurtriers persistèrent à soutenir qu’il n’avaient pratiqué ces mutilations que pour voir si Coupard était gras, se défendant d’avoir voulu le dépecer pour jeter ses restes à la mer. Ollivier prétendait que, lorsqu’il frappa dans le ventre de son patron, celui-ci ne bougeait plus, mais il fut démenti sur ce point par Néel qui affirma que le père Coupard, à ce moment, « soupirait à petits coups ».
Après cette scène de sauvagerie, les deux accusés, après avoir soigneusement dissimulé le cadavre dans un coin de la cabane, sous une voile songèrent à fuir, espérant gagner la côte anglaise avant la découverte de leur crime; emportant tout ce qu’ils jugèrent utile pour la traversée, ils poussèrent l’embarcation de Coupard, mais, nous l’avons vu, les vents d’est et la grosse mer ne leur avaient pas permis de mettre leur projet à exécution, et ils s’étaient fait arrêter dans la matinée du 1er janvier.
Néel et Ollivier ne cessèrent d’arguer de leur état d’ivresse sinon pour excuser, du moins pour atténuer l’atrocité de leur crime. Ollivier, garçon aux manières lourdes, au cou de taureau et dont l’intelligence paraît étouffée sous la force physique, Ollivier qui joua dans ce drame un rôle plutôt passif, pressé d’expliquer pourquoi il avait obei aveuglément à Néel qu’il connaissait à peine, tandis qu’il avait toujours déclaré que Coupard avait toujours été bon pour lui, ne put donner aucune raison.
Les témoins de moralité entendus, presque tous les habitants de l’île-aux-Chiens fixèrent le tribunal criminel sur l’état des accusés avant le crime. Tous s’accordèrent d’établir que dans cette soirée du dimanche 30 décembre, Néel était entre deux vins suivant son habitude, tandis qu’Ollivier paraissait être dans son état normal.
Le Procureur de la République requit la peine capitale contre Néel et ne s’opposa pas à l’admission de circonstances atténuantes en faveur d’Ollivier. Néel, d’après le Ministère public, ayant exercé sur Ollivier une sorte de fascination incompréhensible, voisine de l’hypnotisme.
Me Béhaghel, dans une chaleureuse plaidoirie, tenta de détourner de la tête de son client la peine capitale, en faisait valoir l’état d’abjection morale dans lequel il était tombé par suite des pratiques invétérées d’alcoolisme, représentant Néel comme un être inconscient ayant perdu, dans l’abus des boissons alcooliques, l’usage de ses facultés intellectuelles et ce libre arbitre qui dirige les actions humaines mais ne négligea pas de souligner l’évidente concordance qui existait d’après lui, entre le crime de vol et le meurtre, ce qui rendait Néel passible seulement de la peine de travaux forcés à perpétuité. Le Tribunal criminel se refusa à admettre l’état psychologique de Néel décrit si savamment par l’honorable défenseur, et regarda Néel comme ayant agi avec une responsabilité précise et entière. Le second argument n’eut pas plus de succès.
A son tour, Me Salomon fit remarquer que la culpabilité d’Ollivier était douteuse au point de vue du meurtre, Coupard ayant cessé de vivre quand il a été frappé par l’accusé.
Après une délibération assez courte, le Tribunal criminel rapportait un verdict affirmatif sur toutes les questions posées, avec admission de circonstances atténuantes en faveur d’Ollivier seulement. Néel était condamné à la peine de mort et Ollivier à dix ans de travaux forcés. Ollivier s’en retirait à bon compte.
L’opinion publique, tout en respectant l’arrêt de justice, pensa néanmoins qu’il y avait trop de disproportion entre les deux peines. Si Néel méritait la peine capitale, la peine appliquée à son co-auteur n’était pas assez élevée.
Pendant la lecture de l’arrêt, Néel ne donna aucun signe d’émotion. Avec son caractère gouailleur, son mutisme à propos de la condamnation ne fut pas sans étonner. Mais ramené à la prison, il retrouva sa gaîté cynique habituelle, disant aux gendarmes: « J’ai bien fait de manger mes 2500 francs qui venaient de mon père » et à la foule qui faisait la haie sur son passage: « Eh, vous autres, qu’est-ce que vous avez à me regarder? Vous feriez mieux de m’apporter du tabac. »
Je recherche un de mes ancêtres, marin pêcheur à
Terre Neuve; Connait-on le prénom de ce Coupard assassiné ? Merci pour la réponse
François Coupard originaire de Bacilly – Manche
Mon arrière grand -père était le greffier Camille Siegfriedt, il était marié avec therese Mehan née à terre Neuve, j’aimerai avoir des informations sur mes arrières grands- parents.
Peut -on m ´aider à retrouver des documents sur la famille SIegfriedt?
Cordialement.
Thierry Quessandier